LA PRÉSENCE EST DANS L'OMBRE

L'œœuvre dessinée sur papier de Laurence Maurel, dans sa presque totalité en noir et blanc de petit et de moyen format, se déploie librement depuis plus de vingt ans. Les dessins, les lavis ou les fusains dévoilent leur sens et leur force dans l'irruption imprévisible d'éclairs poétiques qui brisent heureusement l'incertitude des nuits obscures du réel.
 
Le dessin de Laurence Maurel, s'exprime en des traces soutenues ou légères, par des gestes affirmés ou hésitants, avec l'usage de matières sèches ou liquides. Les gris nuancés, les noirs profonds, souvent vaporeux obtenus grâce à la dilution et à la pénétration de la gouache ou bien par l'entrée des poussières de fusain dans les trames mates et poreuses du papier, génèrent l'impression persistante de l'évanescence des formes. Cette manière de dessiner propre à l'artiste requiert, de celui ou de celle qui sait voir, du temps, mais aussi une grande proximité avec les dessins.
Ce sont des conditions indispensables pour entrer dans l'intimité du monde qui nous est offert ; Laurence Maurel nous maintient ainsi à la limite de l'insignifiance, au plus près d'un presque rien flirtant avec l'évaporation de toute réalité. Cette oeuvre intimiste et subtile témoigne d'un engagement consacré à l'Image, suspendue au silence des êtres et des choses.
 
Laurence Maurel aime les promenades et les explorations solitaires ponctuées de haltes douces et secrètes dans les lieux reculés de l'imaginaire, loin de l'agitation souvent excessive et superficielle des mondes affaires. Ces explorations lentes, souvent austères, portent les fruits d'expériences intérieures qui se tracent et s'inscrivent hors du langage des mots, dans les images, telles des apparitions oniriques.
 
Sous le regard sensible, et intuitif du contemplatif, des présences aussi mystérieuses qu'énigmatiques surgissent. Elles s'animent pour nous mener au cœœur d'un monde improbable bien qu'étrangement familier. Ici, les figures, les paysages naturels qu'ils soient abîmes, vallées, plaines, cimes, horizons ou encore architectures minérales et végétales, résonnent si bien dans notre imaginaire qu'ils ramènent à la mémoire autant d'émotions lointaines enfouies depuis longtemps, soutenues par la poésie des images.
 

Pierre Minot-Gilbert Gormezano